« Tel père, tel fils. Né en 1921, mort en 1992, Ferenc Karinthy chassait sur les mêmes terres que son délicieux papa. Il fut donc, lui aussi, un incorrigible guignol. Ce qui ne l’empêcha pas de traduire Molière en hongrois et de devenir champion de water-polo. Avec Épépé, il bat un autre record : celui de l’extravagance. On y découvre les étranges divagations d’un polyglotte érudit, Budaï, qui quitte les rives du Danube et croit s’envoler pour Helsinki afin de participer à un congrès de linguistique. Hélas ! à la suite d’une erreur d’aiguillage, son avion atterrit dans une ville peuplée d’allumés qui parlent un jargon incohérent, parfaitement inintelligible. Sommes-nous aux portes de Babel ? Sans doute. Quant au malheureux Budaï, il en perdra son latin : on dirait un petit frère de Zazie égaré au pays des Houyhnhnms chers à Jonathan Swift.
Écrit dans la Hongrie des années 70, Épépé est évidemment une fable, pétillante de malice : cette excursion chez les fous évoque une autre ineptie, celle du communisme. Mais Ferenc Karinthy ne se contente pas de jouer les justiciers : il ressuscite un vieux cadavre littéraire – l’incommunicabilité – en lui injectant le sang frais de l’humour. Épatant. » André Clavel, L’Express